Loi bioéthique : Risque-t-on une pénurie de gamètes plus importante ?
La nouvelle loi bioéthique prévoit de lever l’anonymat des donneurs de gamètes pour garantir aux enfants nés d’une PMA un accès à certaines informations concernant leurs origines, dès leur majorité. Parallèlement, l’État envisage également de détruire les stocks actuels, ce qui pourrait engendrer une pénurie.
La levée de l’anonymat des donneurs va-t-elle faire chuter le nombre de dons ?
La nouvelle loi bioéthique prévoit que d’ici peu, les donneurs de spermatozoïdes et les donneuses d’ovocytes consentent à ce que des informations « non identifiantes » les concernant puissent être communiquées à l’enfant né de leur don. Ce dernier pourrait en faire la demande à ses 18 ans.
Cette mesure va-t-elle freiner les dons ? Alors même que la même loi bioéthique prévoit l’accès à la PMA pour toutes, et dans un contexte où il existe déjà des délais d’attente conséquents pour accéder à une FIV (Fécondation in vitro) avec dons d’ovocytes, les personnes en attente de gamètes devront-elles patienter encore plus longtemps ?
Les délais d’attente pour les personnes qui souhaitent accéder à une PMA sont variables et dépendent du centre régional des dons duquel elles dépendent. Ils peuvent varier de 1 an à 5 ans selon les régions. Ce sont les centres où les stocks sont déjà très bas qui s’inquiètent le plus des nouvelles dispositions légales.
Dans les pays européens qui ont déjà recours aux dons non anonymes, il n’y a pas vraiment eu de baisse des dons, ce qui est plutôt encourageant.
La destruction des stocks de gamètes suscite la polémique
La levée de l’anonymat pose un autre problème : l’État envisage de détruire les stocks de gamètes qui ont été donnés sous couvert de l’anonymat.
Actuellement, le texte de loi prévoit une année de transition pendant laquelle on pourrait continuer de recevoir et de donner des gamètes anonymement. Puis, un an après la promulgation de la loi, les dons anonymes ne seraient plus possibles et les stocks de gamètes anonymes seraient détruits, afin d’éviter que dans quelques années, certains enfants nés d’une PMA aient accès à leurs origines et d’autres non.
« Ce délai soulève beaucoup de questions, a déclaré le professeur Thomas Fréour, chef de service en médecine et biologie de la reproduction au CHU de Nantes à France Info. En fonction de sa durée, ça peut changer beaucoup de choses dans notre organisation. Il faut faire en sorte d’éviter de pénaliser les patients, actuels ou futurs. »
La destruction des stocks déplaît aux femmes qui ont donné leurs ovocytes. En effet, en France, le don d’ovocyte n’est pas très fréquent, il n’est pas rémunéré et il est contraignant physiquement pour la donneuse qui doit systématiquement passer par une stimulation ovarienne. La possibilité que les prochains dons soient détruits est extrêmement décourageante pour les donneuses qui ne veulent pas « faire tout ça pour rien ».
La cohabitation des deux systèmes est-elle envisageable ?
C’est ce que préconise le Dr Fréour : « que le régime actuel et la nouvelle version cohabitent le temps du délai de transition ». « Logistiquement, ce serait possible, précise-t-il. C’est une organisation à mettre en place. Il faudrait aussi que la loi autorise à recontacter les anciens donneurs pour recueillir leur consentement à la levée de l’anonymat », ce qui éviterait une destruction systématique de tous les dons.
En Belgique, en Bulgarie et en Lettonie il existe aussi un système de « double guichet » pour les dons. Les donneurs ont le choix de procéder à un don anonyme ou de laisser des informations sur leur identité. Solution qui ne fait pas l’unanimité en France, car il ne garantit pas l’équité entre les enfants nés de PMA.
D’autres spécialistes suggèrent un délai de transition plus long, de 5 ans, qui permettraient de reconstituer les stocks, en évitant une période de pénurie.