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Le délai de prescription des crimes sexuels sur mineurs passe à 30 ans

L’article 2 de la loi sur les violences sexuelles et sexistes de Marlène Schiappa suscite déjà la polémique en raison de la suppression de l’âge limite du consentement sexuel et de l’apparition de la notion d’« atteinte sexuelle avec pénétration ». Qu’en est-il ?

L’examen du projet de loi sur les violences sexuelles et sexistes de la secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes et de la ministre de la Justice a commencé tard ce mardi 15 mai 2018. À la suite de débats houleux, les articles 1 et 2 ont été adoptés. Un point sur la situation.

Le délai de prescription des crimes sexuels allongé à 30 ans

Mesure qui était prévue et qui a été adoptée sans surprise à main levée, dès la première lecture de l’article 1, le délai de prescription des crimes sexuels sera désormais de 30 ans, au lieu de 20 actuellement.

Toutefois, la question de rendre ces crimes imprescriptibles a été soulevée et de nombreux élus plaident en ce sens. La rapporteure Alexandra Louis (LREM) a cependant précisé que l’imprescriptibilité ne concernait que les crimes contre l’Humanité et qu’elle pouvait donc être reconnue comme étant « inconstitutionnelle » ; argument pas toujours compris par l’opposition.

La députée Maud Petit (Modem) a souligné la nécessité de « protéger les plus vulnérables d’entre nous, les enfants ». Gilles Lurton (LR) a quant à lui invoqué le « refus de toute violence » sur les mineurs. Enfin, Sophie Auconie, elle, « ne comprend pas [ces] arguments disant que le fait de rendre imprescriptibles les crimes sur mineurs dévalue les crimes contre l’humanité ».

De son côté, Laurence Vichnievsky (Modem) avait quant à elle proposé lundi de faire supprimer cet article sur l’allongement de la durée de prescription du texte, car selon elle « les preuves matérielles disparaissent et les témoignages sont de moins en moins fiables » à mesure que s’écoule le temps.

L’article 2, très controversé, a lui aussi été adopté

L’article 2 suscite la polémique. Celui-ci prévoyait à l’origine de fixer la limite d’âge de consentement pour un acte sexuel à 15 ans. Cette mesure n’a toutefois pas été retenue dans la version finale du projet de loi.

La Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, et la secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, proposent cependant que « lorsque les faits sont commis sur un mineur de 15 ans », les notions de contrainte morale ou de surprise soient caractérisées par « l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ».

D’autre part, l’article alourdit les sanctions en cas d’« atteinte sexuelle ». Mais contrairement au viol, celle-ci serait considérée comme un délit (jugé en correctionnel) et non comme un crime (jugé aux assises).

L’article 2 suggère l’idée d’« atteinte sexuelle avec pénétration », délit qui sera désormais puni de 10 ans d’emprisonnement. À l’inverse, l’« atteinte sexuelle sans pénétration », ne sera elle passible que de 7 ans de prison.

Pour les associations, « l’atteinte sexuelle avec pénétration » n’est rien de moins qu’un viol et doit être jugée en tant que tel, dans une cour d’assises, et non pas au tribunal correctionnel.

Des associations et 250 personnalités s’opposent à cet article 2

Une lettre ouverte et une pétition demandant le retrait de l’article 2 circulent déjà. L’argument principal des détracteurs étant que cette loi favoriserait la « correctionnalisation » des viols sur mineurs.

Marlène Schiappa a totalement réfuté cet argument à l’Assemblée. Pour elle, il s’agit de « marquer un interdit social ».
Elle a par ailleurs ajouté : « Vous envoyez un message qui est faux aux agresseurs, vous dites aux agresseurs qu’ils seront désormais moins punis alors que le sens de ce projet de loi c’est de punir toutes les violences sexistes et sexuelles, du harcèlement de rue au cyberharcèlement, au viol commis sur des mineurs en allongeant les délais de prescription, en faisant du viol un viol, en le condamnant comme tel ».

Pour Mme Schiappa, c’est justement l’inverse qui se produira avec cette nouvelle loi qui pourra selon elle éviter le renvoi en correctionnel.
« Contrairement aux critiques, la mise en œuvre des dispositions de ce projet de loi et du projet de loi de programmation pour la justice aura également pour effet d’éviter le recours à la correctionnalisation (c’est-à-dire la déqualification des faits de viol en agression ou en atteinte sexuelle renvoyant le prévenu devant le tribunal correctionnel), notamment grâce à la création du tribunal criminel départemental ».

Autre sujet polémique lancé par la secrétaire d’État, la création de ces tribunaux criminels départementaux, dont la fonction serait de juger des affaires où les auteurs de crimes risquent 15 ou 20 ans de prison, et ce pour désengorger les cours d’assises. Ce projet est déjà décrié par certains juges et avocats qui craignent que la justice devienne expéditive et que les jurys populaires disparaissent.