À l’heure où les cimetières français sont surchargés et manquent de places pour accueillir de nouvelles concessions, certaines personnes émettent le souhait de faire inhumer leur dépouille ou leurs cendres dans le terrain d’une propriété privée. En France, le respect des dernières volontés d’un défunt est un principe de base, mais enterrer un cercueil ou une urne funéraire en dehors d’un cimetière n’est pas toujours possible et reste exceptionnel. En effet, ce type de demande est très encadré par la législation française, plus particulièrement par le Code général des collectivités territoriales, et des règles précises sont à respecter. Faisons le point ensemble.
Quelles sont les conditions pour enterrer un cercueil ou une urne funéraire dans une propriété privée ?
Selon l’article L. 2223-9 du Code général des collectivités territoriales, toute personne a le droit d’être enterrée dans le terrain d’une propriété privée. Les dispositions de ce texte de loi s’appliquent également pour le placement des cendres funéraires. Cependant, cette autorisation d’inhumation est soumise à de nombreuses obligations.
Obtenir l’accord du propriétaire ou exprimer sa volonté de son vivant
Tout d’abord, si le défunt n’est pas le propriétaire du terrain privé, la famille doit obligatoirement obtenir l’accord du propriétaire du lieu en question. Sans l’approbation de ce dernier, il est impossible de procéder à une inhumation sur son terrain.
En revanche, si la personne décédée est la propriétaire et qu’elle souhaite être enterrée dans sa propriété, elle doit exprimer sa volonté de son vivant.
Avoir une propriété hors zone urbaine
Pour pouvoir enterrer un cercueil ou une urne dans un jardin privé, il est nécessaire d’avoir une propriété située en dehors d’une zone urbaine. Selon l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques), la zone urbaine, également appelée « unité urbaine », est une commune ou un ensemble de communes qui présente sur son territoire une zone de bâti continu (aucune séparation de plus de 200 mètres entre deux constructions) comptant au moins 2 000 habitants.
Par conséquent, si vous habitez dans une ville ou dans un bourg, vous n’avez pas le droit d’enterrer un cercueil ou une urne funéraire dans le terrain d’une propriété privée.
De plus, l’article L. 2223-1 du Code général des collectivités territoriales dispose que la tombe doit être située à une distance minimale de 35 mètres de la première habitation. Par exemple, enterrer un cercueil dans le jardin d’un pavillon de banlieue est totalement exclue. Toutefois, une sépulture peut se retrouver à moins de 35 mètres des habitations si la commune n’est pas considérée comme une ville ou un bourg.
Faire appel à un hydrogéologue
Pour des questions d’hygiène publique et de préservation de l’écosystème, il est important de solliciter l’avis d’un hydrogéologue agréé. Sa mission est de vérifier l’aptitude du terrain à recevoir une inhumation et s’assurer de l’absence de tout risque éventuel.
En effet, il doit s’assurer que le lieu choisi pour inhumer le cercueil est suffisamment éloigné de toute nappe phréatique pour éviter que l’eau ne soit contaminée par le corps. Il doit également juger la fiabilité du terrain afin d’anticiper tout risque de glissement du cadavre hors de la tombe. Suite à son intervention, l’expert scientifique donnera un avis favorable ou défavorable.
Pour obtenir les coordonnées d’un hydrogéologue agréé, vous devez vous adresser à l’ARS (Agence régionale de santé). Dans le cas où vous envisagez d’enterrer une urne funéraire, l’intervention d’un hydrogéologue n’est pas nécessaire.
Obtenir une autorisation préfectorale
Enfin, la dernière condition, et sans doute la plus importante, est d’obtenir l’accord du préfet de votre département (article R2213-32 du Code général des collectivités territoriales). Si la propriété se situe dans l’agglomération parisienne, il s’agira du préfet de police. En effet, seul « le dépositaire de l’autorité de l’État » dans votre département est habilité à vous autoriser à procéder à une inhumation dans une propriété particulière.
Attention, il faut savoir qu’une personne souhaitant se faire inhumer dans une propriété privée ne peut pas obtenir l’autorisation de son vivant. En d’autres termes, l’autorisation préfectorale ne peut pas être demandée par anticipation, il est nécessaire d’attendre le décès pour la demander.
Seule « la personne ayant qualité de pourvoir aux funérailles » a le droit d’en faire la demande. Ce terme juridique désigne en réalité le parent le plus proche de la personne défunte. En effet, la loi française considère que celui ou celle qui avait un lien stable et permanent avec le défunt est le plus à même de prendre des décisions en son nom et de respecter ses dernières volontés. En règle générale, il s’agit d’un conjoint survivant, d’un père ou d’une mère, d’un fils ou d’une fille, etc.
Quelles sont les démarches à effectuer pour demander une inhumation dans une propriété privée ?
En France, l’inhumation ou la crémation doit se dérouler entre 24 heures et 6 jours après le décès. Par conséquent, la famille de la personne décédée doit agir rapidement si elle souhaite l’enterrer en dehors d’un cimetière.
Pour obtenir l’autorisation préfectorale d’inhumation sur une propriété particulière, vous devez adresser une demande par courrier à la préfecture ou sous-préfecture dont dépend la commune où est située la propriété privée.
Pour compléter votre demande, vous devez obligatoirement fournir les pièces justificatives suivantes :
- le certificat de décès signé par un médecin
- l’acte de décès et l’autorisation de fermeture de cercueil délivrés par le maire de la commune où a eu lieu du décès
- un plan cadastral de la propriété qui indique l’endroit où le tombeau doit être édifié ainsi que la distance entre la sépulture et les habitations avoisinantes
- l’avis favorable d’un hydrogéologue agrée (pas nécessaire pour une urne funéraire)
- l’avis du maire de la commune dans laquelle doit avoir lieu l’inhumation
Si votre demande est acceptée par le préfet, vous obtenez un droit d’inhumer individuel. Il est important de préciser que cette autorisation d’inhumation n’est valable que pour un seul défunt. Dans le cas où la famille souhaiterait enterrer d’autres personnes dans le caveau, il faudra faire une nouvelle demande auprès de la préfecture.
Il est important de rappeler que les familles des défunts peuvent toujours faire appel aux entreprises de pompes funèbres pour les aider dans leurs démarches et accomplir toutes les formalités nécessaires.
Quelles sont les obligations à respecter par le propriétaire lorsqu’un défunt est enterré dans sa propriété ?
La jurisprudence considère que toute sépulture est « perpétuelle, inaliénable et incessible ». Par conséquent, les héritiers du défunt doivent bénéficier d’un accès perpétuel à la tombe afin de s’y recueillir. Ce droit de passage ne peut pas être remis en cause et reste valable même en cas de vente de la propriété. Ce qui implique que le futur acquéreur ne peut en aucun cas se soustraire à ce droit.
Si la propriété est vendue, le nouveau propriétaire est dans l’obligation d’entretenir la tombe et de s’abstenir de toutes dégradations.
De plus, il est formellement interdit de déplacer ou de détruire la tombe du défunt, car ces actes sont considérés par la loi comme une violation de sépulture. Selon l’article 225.17 du Code pénal, ce type d’infraction est punie d’un an de prison et de 15 000 € d’amende.