Le frottis-truck propose des soins gynécologiques aux femmes dans le besoin
Comme le rappelle l’association ADSF (Association pour le développement de la santé des femmes) sur son site internet, les femmes en situation de précarité sont plus vulnérables que les hommes : elles « renoncent aux soins pour des raisons économiques ; le peu de moyens financiers restants étant réservé aux enfants », elles subissent plus de violences que les hommes, ce qui provoque « honte, culpabilité et exclusion de la vie sociale » et « les aspects spécifiques concernant la fonction de reproduction sont souvent oubliés des programmes d’aides existants ». C’est pourquoi l’association a mis en place le « frottis-truck » qui va à la rencontre de ces femmes précaires et leur offre des consultations de gynécologie gratuites et les soins spécifiques dont elles ont besoin.
« La rue, c’est douloureux pour le corps et la tête »
L’association ADSF a créé son « truck » en 2014 et sillonne depuis l’Île-de-France à la rencontre des femmes précaires dans la rue, les bidonvilles, les bois fréquentés par les prostituées, les points de rencontre de SDF, les hôtels sociaux... Grâce à ce camion aménagé en cabinet de gynécologie, les femmes peuvent avoir accès aux soins dont elles ont besoin.
Une femme de 28 ans venue de Côte d’Ivoire raconte son enfer dans les rues de Paris, entre errance et mauvaises rencontres. « La journée, je marchais et je pleurais. Mais personne ne me voyait, j’avais l’impression que je n’existais pas », raconte-t-elle. Elle dormait dans les gares et les stations de métro en choisissant « celles où les hommes ne vont pas » pour ne pas être victime de violence et d’abus sexuels. C’est dans une halte de jour pour les femmes sans-abri à proximité de la gare de Lyon qu’elle a rencontré l’association.
Elle explique au journaliste de l’AFP que ce jour-là elle avait ses règles. « Avant, je rentrais dans les w.c. publics pour prendre du papier toilette et me protéger. Quand ils m’ont donné un kit d’hygiène avec du dentifrice, des lingettes, des serviettes hygiéniques, je me suis effondrée », se souvient la jeune femme qui est toujours suivie par l’association et est hébergée dans un centre du SAMU Social.
« Renouer en douceur avec l’examen médical »
Julia Eid, responsable médicale de l’association et sage-femme de métier, explique la mission du « frottis-truck » : « L’objectif c’est de rapprocher des femmes très éloignées du soin vers la consultation et, in fine, essayer de les réconcilier un peu avec leur corps »
Au « frottis-truck », les femmes peuvent faire cet examen médical pour s’assurer de la santé de leur col de l’utérus. Cet examen qui n’est généralement pas une partie de plaisir pour les femmes est dans ce cas un « premier pas » pour « renouer en douceur avec l’examen médical ».
Selon Nadège Passereau, déléguée générale de l’association, « on oublie trop souvent dans la prise en charge des plus précaires que les femmes ont des besoins spécifiques, pas uniquement au moment où elles peuvent avoir des enfants, mais toute leur vie » : contraception, protections hygiéniques, accès à l’IVG… sont des particularités liées à la féminité auxquelles on ne pense pas forcément lorsque l’on souhaite aider les personnes dans la précarité. Et force est de constater, au vu des chiffres de l’association, que c’est une réelle nécessité : « 95 % des femmes accompagnées par l’association ont connu des violences, 11 % étaient enceintes, et 60 % n’avaient pas de suivi gynécologique depuis plus d’un an, dont 92 % des femmes vivant dans la rue ».
« Quand leur urgence au quotidien c’est manger, se protéger, avoir un toit, elles mettent de côté leur santé, leur propre corps et l’état se dégrade ».
Mme Passereau aimerait que des « frottis-truck » ou des consultations gynécologiques gratuites pour les femmes soient mises en place d’en d’autres grandes villes où les besoins sont importants comme à Lille et à Marseille.
Ouverture de la Cité des Dames au 1er décembre 2018
Le prochain grand projet de l’association c’est l’ouverture au 1er décembre prochain d’une Cité des Dames à Paris, en partenariat avec l’Armée du Salut. Ce centre d’accueil et de soin de 250 m2, dédié aux femmes en grande précarité, sera ouvert 24 h sur 24 et 7 jours sur 7. Il est situé rue Chevaleret dans le 13e arrondissement de Paris.
« L’accueil libre et inconditionnel est un principe fondamental », déclarent les responsables du projet. Les femmes pourront même y venir « avec leur chien ou leur animal ».