Pourquoi le glyphosate fait-il autant parler de lui ?
Fin mai, les amendements qui prévoyaient l’interdiction du glyphosate en France d’ici 2021 ont été rejetés et ne figureront pas dans la nouvelle loi agriculture et alimentation. Le débat sur les dangers de cet herbicide, qui dure depuis 2015 fait toujours rage entre ses partisans et ses détracteurs. Un point sur la situation.
Quelles sont les preuves scientifiques ?
C’est bien là le cœur des débats actuels et il est difficile de se faire un avis sur la question. Les avis d’experts sont aujourd’hui nombreux sur le sujet de la toxicité de l’herbicide et totalement contradictoires.
L’étude qui a mis le « feu aux poudres » est probablement celle du CIRC (Centre International de Recherche contre le Cancer) qui a placé le glyphosate sur la liste des cancérigènes probable pour l’Homme en mars 2015.
Depuis, on assiste à une multiplication d’étude plus ou moins scientifique, avec des résultats aussi variables que les sujets sur lesquels ils sont testés : des amphibiens aux rats en passant par les embryons d’oursins…
Au-delà des théories complotistes ou du fort lobbying autour de cette question, une des raisons avancées pour expliquer les disparités dans les résultats des études est que certaines font des tests sur le glyphosate seul, dont les effets toxiques pourraient alors être insignifiants et représenter un risque cancérigène inférieur à celui du café ou du sel, et d’autre part, des tests qui sont effectués sur des combinaisons de produits. En effet, dans la pratique le glyphosate est rarement utilisé seul, il est souvent partie intégrante de cocktails chimiques qui eux, représenteraient un risque beaucoup plus élevé pour la santé et un impact négatif plus important sur l’environnement.
Le glyphosate et ses résidus sont partout
Suite à une large médiatisation de la polémique autour du glysophate, les divergences sont extrêmes entre « pro » et « anti ». Pour certains, tous les produits chimiques sont à proscrire, pour d’autres, les méfaits du glyphosate restent à prouver.
Mais le public est inquiet, et dans le doute, une grande partie de la population préfèrerait sans doute se passer de l’herbicide potentiellement cancérigène.
D’autant que les analyses effectuées dans les sols, dans l’eau du robinet, dans les céréales, montrent que le glyphosate est partout, en milieu rural comme en ville.
De plus en plus d’associations et de groupes portent plainte suite à la présence invasive de l’herbicide. Le 7 juin 2018, c’est le syndicat apicole de l’Aisne qui a porté plainte contre Bayer après la découverte de traces de glyphosate dans leur production de miel.
En lançant des actions en justice, les associations espèrent que des enquêtes seront ouvertes pour déterminer avec précision les taux de contamination et que des études plus poussées soient effectuées pour prouver les effets nocifs possibles sur la santé.
Des alternatives existent-elles ?
En réaction à cette polémique sur les pesticides en général, on a vu circuler sur les réseaux sociaux beaucoup de recettes d’herbicides « maison » et « naturels » dont beaucoup sont à base de sel et de vinaigre. Utiliser régulièrement et en grande quantité, le sel et le vinaigre ne sont pas bons pour les sols. Tout produit « naturel » n’est pas forcément bénéfique s’il est utilisé à mauvais escient ou dans des mauvaises proportions.
En outre, beaucoup d’agriculteurs déplorent qu’il n’y ait pas pour le moment de produit que l’on puisse substituer au glyphosate : « il n’existe aucune alternative satisfaisante pour éliminer durablement certaines plantes vivaces qui font concurrence aux cultures » « En l’absence de désherbage, et selon les types de mauvaises herbes et les conditions agropédoclimatiques [le climat, la composition et la qualité des sols], les pertes peuvent être considérables » peut-on lire sur la plateforme Glyphosate France, un collectif d’industriels du secteur.
Pour les agriculteurs « bio », se passer de l’herbicide chimique est tout à fait possible même si cela demande plus d’efforts. Beaucoup utilisent une diversification des espèces cultivées au sein d’une même parcelle, une rotation plus fréquente des cultures, et le désherbage manuel ou mécanique. Ces agriculteurs estiment aussi que le cout supplémentaire en main d’œuvre s’équilibre grâce aux économies réalisées lorsqu’ils n’achètent plus de produits chimiques et en réalisant un bénéfice plus élevé sur leurs produits « bio » à la vente.
La position du gouvernement sur la question
Au moment du renouvellement par l’Union européenne de l’autorisation sur le marché pour 5 ans du produit de Monsanto, le président de la République avait promis une sortie du glyphosate d’ici 3 ans, c’est-à-dire en 2021, et voulait que la France se positionne en fer de lance de cette interdiction.
En dépit de cette prise de position, les opposants aux pesticides ont quelque peu déchanté lorsque les amendements sur l’interdiction du glyphosate ont été rejetés fin mai 2018, et ont définitivement été écartés du futur projet de loi agriculture et alimentation. Mais Stéphane Travert, le ministre de l’Agriculture a récemment déclaré : « Si au terme des trois ans, nous voyons qu’il n’y a pas de solutions et que nos partenaires ne sont pas rentrés dans ce processus que nous souhaitons mettre en place avec eux, il y aura une proposition de loi ». Le ministre souhaiterait en effet qu’une alternative au glyphosate soit trouvée avant de l’interdire en passant une loi.