Infraction avec un véhicule de société, l'entreprise est responsable en cas de non-désignation du salarié
Le représentant légal d’une société qui ne déclare pas l’identité du conducteur qui commet une infraction au Code de la route au volant d’un véhicule immatriculé au nom de l’entreprise peut engager sa responsabilité pénale tout comme la société. C’est ce qu’a rappelé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans deux arrêts datant du 11 décembre 2018.
Une obligation de désignation prévue par le Code de la route
La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle publiée le 16 novembre 2016 a instauré l’obligation pour les dirigeants de transmettre à l’administration l’identité des salariés ayant commis des infractions routières au volant d’un véhicule de société.
Conformément à l’article L. 121-6 du Code de la route, le non-respect de cette obligation est puni de l’amende prévue par les contraventions de 4e classe.
Depuis la mise en place de ces dispositions, les avis de contravention pour non-dénonciation des salariés fautifs ont été nombreux. Toutefois, ils n’ont pas été adressés aux dirigeants, mais à la personne morale. C’est cette question du destinataire de l’avis de contravention qui a permis aux juridictions de faire droit aux contestations émises.
L’infraction peut être pénalement imputée à la personne morale
À travers deux arrêts, la Cour de cassation a validé le fait que l’avis de contravention pour non-désignation du salarié auteur de l’infraction routière puisse être imputé à la personne morale, c’est-à-dire à l’entreprise.
Les deux affaires concernaient des salariés ayant commis des excès de vitesse avec des véhicules immatriculés au nom de la société. Les sociétés n’ont pas transmis l’identité des conducteurs concernés. Un avis de contravention pour non-dénonciation a donc été adressé non pas au représentant légal, mais à la personne morale. Toutefois, l’une des sociétés a contesté sa mise en cause devant la justice soutenant que cet avis de contravention devait être adressé au représentant légal et non à la personne morale. L’entreprise ajoute que le paiement de l’amende forfaitaire ne peut être demandé qu’au seul représentant légal.
Dans un premier temps, le tribunal de police a donné raison à la société. Cependant, la Cour de cassation a cassé ce jugement estimant que même si l’article L. 121-6 du Code de la route prévoit que le représentant légal d’une personne morale peut être poursuivi pour ne pas avoir communiqué dans le délai de 45 jours suivant l’envoi de l’avis de contravention l’identité du conducteur fautif, cela n’exclut pas l’application de l’article 121-2 du Code de la route. Celui-ci précise que la responsabilité pénale de la société peut aussi être engagée pour cette infraction.
L’intérêt de l’étendue de la responsabilité pénale à la personne morale est évident. En effet, l’article 530-3 du Code de procédure pénale indique que le montant des amendes forfaitaires est quintuplé dès lors que l’infraction est commise pour le compte de la personne morale et par son représentant légal.
Précisions concernant le destinataire de l’avis de contravention
La Cour de cassation rappelle que si l’avis de contravention pour non-dénonciation du conducteur fautif a été adressé à la personne morale, cela n’empêche pas de poursuivre son représentant légal qui devra alors répondre de cette infraction sur le fondement de l’article L. 121-6 du Code de la route.
En cas de contestation, le juge vérifiera si le représentant légal, informé de cette obligation de désignation dans les 45 jours suivant l’envoi de l’avis de contravention, avait satisfait à cette prescription.
Certaines sociétés refusent de désigner les conducteurs de leur véhicule et paient les amendes liées à l’infraction routière initiale et à la contravention de non-désignation. Néanmoins, une circulaire du ministère de la Justice portant sur l’application de la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle relève que cette pratique fait obstacle à la responsabilisation des conducteurs. La position de la Cour de cassation traduit ainsi une volonté claire de faire appliquer un dispositif mal conçu.
Arrêts de la Cour de cassation du 11 décembre 2018, pourvoi n° 18-82820 et pourvoi n° 18-82628.