La nouvelle arnaque au permis de conduire perdu ou volé
À l’heure actuelle, de nombreux malfaiteurs vendent sur internet des numéros de permis de conduire perdus, volés ou piratés à des automobilistes verbalisés qui souhaitent faire endosser la responsabilité de leur infraction à une tierce personne. Ainsi, des conducteurs innocents sont contraints de régler les contraventions de personnes qui ont réellement commis une infraction au Code de la route.
Cette arnaque inquiète de plus en plus les autorités, car elle commence à prendre de l’ampleur et représente un véritable cauchemar pour les victimes. Faisons le point ensemble sur cette escroquerie aux numéros de permis de conduire.
Une technique frauduleuse parfaitement huilée
- Fraude à la carte bancaire
- Arnaque au SMS qui vide les comptes bancaires
- Arnaque à la carte SIM
- Chantage à la webcam prétendue piratée
- Phishing, etc.
Les escrocs recherchent en permanence de nouvelles techniques frauduleuses pour extorquer de l’argent et s’enrichir sur le dos des particuliers ou des entreprises.
La dernière escroquerie en date consiste à utiliser des numéros de permis de conduire perdus, volés ou piratés et les vendre en ligne à des automobilistes verbalisés qui ne souhaitent pas régler leurs contraventions.
Certains malfaiteurs n’hésitent pas à se faire passer pour des cabinets d’avocats ou des experts du droit routier et promettent aux conducteurs en tort d’avoir recours à des « astuces juridiques » pour ne pas avoir à payer leurs PV. Bien entendu, les escrocs ne font pas ça gratuitement et proposent leurs services contre rémunération. En règle générale, le tarif s’élève à la moitié du montant de la contravention à régler (entre 50 € et 100 €).
En conséquence, les conducteurs verbalisés peuvent usurper l’identité des détenteurs des permis de conduire perdus, volés ou piratés et leur faire endosser la responsabilité de leurs infractions (excès de vitesse, non-respect d’un feu rouge, téléphone au volant, etc.). Les automobilistes innocents sont alors contraints de payer une contravention pour une infraction au Code de la route qu’ils n’ont jamais commis.
Par exemple, un automobiliste français a récemment été victime de ses fausses désignations sur le site officiel de l’ANTAI (Agence nationale de traitement automatisé des infractions) qui permet de payer et de contester les amendes. Souvent en déplacement à l’étranger, ce conducteur se démène aujourd’hui face à la justice pour prouver son innocence. Son calvaire a commencé en 2017 lorsqu’il a perdu son permis de conduire. Depuis cet incident, il a reçu plus de 200 contraventions pour des infractions commises sur l’ensemble du territoire à bord de 150 véhicules différents. Désormais, l’administration fiscale lui réclame plus de 51 700 € d’amende.
Une simple annonce sur les réseaux sociaux
Selon La Voix du Nord, 16 automobilistes ont été condamnés par le Tribunal de Police de Lille en avril 2019 pour avoir utilisé ce subterfuge afin de ne pas avoir à payer leurs contraventions.
Dans les faits, ces derniers ont expliqué aux autorités avoir simplement répondu à une annonce sur le réseau social Snapchat, plateforme privilégiée par les fraudeurs. Suite à un bref entretien, les malfaiteurs et les conducteurs en tort ont convenu d’un rendez-vous pour se rencontrer.
Lors de cette rencontre, les escrocs ont récupéré toutes les contraventions des automobilistes verbalisés et leur ont promis qu’ils n’auront aucune amende à payer. Quelques jours plus tard, les identités de deux automobilistes innocents avaient été usurpées et les PV des 16 conducteurs en tort leur avaient été attribués.
Frédéric Carré, officier du ministère public, a précisé au quotidien régional du nord de la France que l’une des deux victimes, une Serbe de 26 ans, s’est vu imputer « plus de 640 infractions au Code de la route ».
Des automobilistes sanctionnés dans le Nord
Parmi les conducteurs en tort convoqués devant le Tribunal de Police de Lille, il y avait un chauffeur VTC qui n’a pas hésité à mettre sur le dos de la pauvre innocente ses 2 PV, dont l’un pour usage de téléphone au volant à Tourcoing. Il a été sanctionné d’une amende de 300 € et un mois de suspension de permis.
Ensuite, il y avait une élève infirmière, verbalisée pour téléphone au volant, qui a écopé d’une amende de 150 € et deux mois de suspension de permis.
Un étudiant quant à lui, verbalisé pour un stop et un feu rouge grillés, a été puni d’une amende de 400 € et un mois de suspension de permis.
En fin de journée, l’un des automobilistes verbalisés la jouait franc-jeu et déclarait avoir délibérément fait appel à ce réseau de malfaiteurs pour ne pas avoir à payer ses contraventions. Sanction : 300 € d’amende et pas de suspension de permis afin de saluer son « honnêteté ».
Il est important de rappeler que l’usurpation d’identité d’un tiers est punie par la loi (un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende selon l’article 226-4-1 du Code pénal).
Des cybercriminels difficiles à identifier
Les autorités tiennent toutefois à relativiser et précisent que cette arnaque ne s’est pas encore généralisée et reste marginale, du moins pour le moment. En effet, le commissaire Olivier Bonnefond a confié au quotidien Ouest France qu’il n’y a eu que « 40 dossiers en deux ans » qui sont passés par le Tribunal de Police de Versailles (département des Yvelines).
Idem du côté de la plateforme PHAROS (Plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements) qui n’a recensé que peu de messages au sujet de cette affaire. Selon Le Parisien, le fameux dispositif mis en place en juin 2009 par le ministère de l’Intérieur pour signaler les contenus et comportements illicites sur internet n’a répertorié que 184 messages concernant une usurpation d’identité sur les 163 000 signalements comptabilisés en 2018.
Le vrai problème des forces de l’ordre, aujourd’hui, est qu’il est extrêmement difficile d’identifier les cybercriminels. Bloquer un site est facilement réalisable, mais il est impossible d’arrêter la circulation d’une pièce d’identité ou d’un permis de conduire sur les réseaux.
Selon un enquêteur spécialisé dans la lutte des fraudes, l’unique solution pour les autorités d’identifier un malfaiteur est de « convoquer tous les utilisateurs du permis identifié grâce à leur plaque d’immatriculation et leur faire avouer comment ils ont fait pour récupérer l’identité d’un homme qu’ils ne connaissent pas. »
Les sanctions encourues par les escrocs
En France, l’escroquerie constitue un délit réprimé par la loi. En effet, l’article 313-1 du Code pénal dispose que « l’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ».
En conséquence, les escrocs risquent une peine maximale de 5 ans d’emprisonnement et une amende de 375 000 €.
Dans certains cas (abus de faiblesse, usurpation de l’identité d’un agent public ou organisation d’une fausse collecte pour une œuvre caritative), les peines maximales sont portées à 7 ans de prison et à 750 000 € d’amende. Si l’escroquerie a été commise en bande organisée, elles s’élèvent à 10 ans d’emprisonnement et à 1 000 000 € d’amende (article 313-2 du Code pénal).
Il est important de préciser que la tentative d’escroquerie est sanctionnée par les mêmes peines que lorsque l’infraction a réellement été commise (article 313-3 du Code pénal).