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Création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes des pesticides

Un pas de plus vers la reconnaissance d’un nombre plus élevé de maladies professionnelles liées à l’utilisation de produits phytosanitaires, le Sénat vient de voter pour la création d’un fonds d’aide aux agriculteurs victimes des pesticides. Qu’en est-il ?
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Lundi 2 juillet 2018, dans le cadre de l’examen du projet de loi agriculture et alimentation, les sénateurs ont voté à l’unanimité la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des produits phytosanitaires. Celui-ci s’adresse aux personnes ayant développé des maladies suite à l’utilisation de pesticides. Un point sur cette nouvelle mesure.

Création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des pesticides


Un parcours législatif chaotique pour le fonds d’indemnisation

En février 2018, le Sénat avait dans un premier temps adopté en 1re lecture la proposition de loi pour la création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des pesticides, portée par Nicole Bonnefoy (PS), sénatrice de la Charente, et cela en dépit de l’opposition du gouvernement.

Pour le ministre de l’Agriculture, Stéphane Travert « un tel dispositif pose un problème d’équité ». « Ceux qui sont victimes de maladies professionnelles liées à d’autres causes [que les pesticides] seraient indemnisés de manière moins favorable » avait-il justifié. Il considérait aussi que « cette réparation intégrale » obtenue grâce à « une prise en charge mutualisée » « exonèrerait les industriels de leurs responsabilités ». En raison de cette opposition du gouvernement d’Emmanuel Macron, le texte de loi avait été ensuite écarté en 1re lecture dans le cadre de l’examen du projet de loi agriculture et alimentation.

Puis, lundi 2 juillet, les sénateurs ont adopté à l’unanimité un amendement proposant d’indemniser les professionnels victimes des pesticides à 323 voix contre 0, ce qui envoie un message fort à l’exécutif qui est poussé à prendre ses responsabilités et à agir pour une meilleure reconnaissance des problèmes de santé liés à l’utilisation des pesticides et à la façon d’indemniser les agriculteurs qui en sont victimes.

À noter que la création d’un fonds avait déjà été encouragée en janvier 2018 dans un rapport conjoint de l’Inspection Générale des Affaires Sociales, de l’Inspection Générale des Finances et du Conseil Général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces Ruraux.

En France, peu de pathologies liées aux pesticides sont reconnues en tant que maladies professionnelles

Même si de plus en plus de personnes s’adressent à des associations comme Phyto-Victimes, avec des pathologies graves comme des cancers (de la vessie, de la prostate, ou du sang…), ou qui présentent une hypersensibilité aux produits chimiques, ou qui sont touchées par la maladie de Parkinson ou par le Lymphone Non Hodgkinien-LNH, en France, peu de maladies directement liées à l’utilisation des pesticides sont reconnues par l’assurance maladie comme « maladies professionnelles » et indemnisées comme tel.

En avril 2018, Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, Stéphane Travert, le ministre de l’Agriculture, Muriel Pénicaud et Frédérique Vidal ont commandé un rapport à l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et à l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), où devra être étudié plus en profondeur, preuves scientifiques à l’appui, le lien entre les diverses maladies présentées par les exploitants agricoles et leur exposition aux pesticides, et ce afin d’envisager une meilleure prise en charge et une indemnisation plus importante.

D’autre part, le ministère de l’Agriculture prévoit des actions de prévention concernant le port d’un EPI (Équipement Individuel de Protection), qui possède désormais une norme internationale ISO 27065:2017 pour garantir son efficacité. Grâce à un travail conjoint du ministère de l’Agriculture et du ministère du Travail, les EPI sont désormais censés offrir une meilleure protection à un maximum de produits, tout en étant « confortables, résistants, adaptés aux contraintes du monde agricole et réutilisable dans un objectif de maitrise des coûts » peut-on lire sur le site du ministère de l’Agriculture.

Un fonds réservé aux agriculteurs

Le fonds d’indemnisation qui serait créé serait exclusivement réservé aux professionnels de l’agriculture et devrait être financé en partie par les fabricants de produits phytosanitaires dangereux pour la santé, sur le principe « pollueur-payeur » comme l’a expliqué la sénatrice Nicole Bonnefoy.

En revanche, le Sénat a supprimé l’article du texte qui prévoyait d’interdire la vente en libre-service et la publicité pour certaines catégories de produits biocides.