Un salarié qui arrive ivre au travail ne peut pas être licencié pour faute grave
L'alcool sur le lieu de travail est un sujet sensible, souvent associé à des sanctions disciplinaires. Mais qu'en est-il lorsque l'état d'ébriété est un incident isolé dans la carrière d'un salarié ? La Cour de cassation a répondu à cette question dans un arrêt du 11 septembre 2024. Et la haute juridiction est claire : dans ce cas de figure, le salarié ne peut pas être licencié pour faute grave.
Le salarié était arrivé en état d’ébriété et avec plus de 2 heures de retard
Pour comprendre cette affaire, revenons aux prémices. Le 28 mai 2016, un ouvrier qui travaille de nuit se présente à son poste de travail avec un retard de plus de 2 heures et en état d’ébriété. La raison ? Il avait une fête de famille. Toutefois, il avait chargé un de ses collègues d’informer son supérieur hiérarchique de son retard.
Lorsqu’il se présente à son poste, son supérieur lui fait passer un alcootest, conformément au règlement intérieur de l’entreprise, qui se révèle être positif. Résultat : il ne peut pas travailler et doit rentrer chez lui. Par une lettre du 9 juin 2016, son entreprise l’informe de sa mise à pied conservatoire et le convoque à un entretien préalable à une éventuelle sanction pouvant aller jusqu’au licenciement. Puis, il est informé de son licenciement pour faute grave en raison de son état d’ivresse et de son retard.
Le conseil de prud’hommes avait donné raison à l’entreprise
Estimant la sanction trop lourde, il décide de la contester devant la justice. En effet, ce salarié présentait une ancienneté de plus de 10 années au sein de l’entreprise et ne disposait d’aucun antécédent disciplinaire. Mais, le 14 novembre 2019, le conseil de prud’hommes d’Orléans donne raison à l’entreprise. Pour les conseillers prud’homaux, le licenciement du salarié repose bien sur une faute grave.
Ce dernier décide donc de faire appel. Et le 19 mai 2022, retournement de situation : la cour d’appel d’Orléans estime que l’état d’ébriété du salarié nécessitait son éviction immédiate de l’atelier pour des raisons évidentes de sécurité. Toutefois, elle a également pris en compte que la consommation d’alcool était exceptionnelle et que rien ne permettait de penser qu’un tel comportement se reproduirait.
La cour d’appel d’Orléans a donc requalifié le licenciement en cause réelle et sérieuse et a condamné l’entreprise a versé à son ancien salarié :
- 27 000 euros net d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
- 4 695,50 euros net d’indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 4 507,68 euros brut d’indemnité compensatrice de préavis ;
- 450,76 euros brut d’indemnité de congés payés ;
- 1 129,80 euros brut de rappels de salaire correspondant à la mise à pied ;
- 2 000 euros d’indemnité pour les frais engagés par le salarié pour porter l’affaire en justice.
Pour la Cour de cassation, il s’agit d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse
Saisie par l’entreprise, la Cour de cassation a confirmé la décision de la cour d’appel. Elle a estimé que, même si le salarié avait effectivement commis une faute en se présentant au travail en état d’ébriété, les circonstances particulières de l’affaire devaient être prises en compte. La Cour a souligné que l’état d’ivresse, en l’absence d’antécédents et compte tenu de l’ancienneté du salarié, ne pouvait pas être qualifié de faute grave.
Pour rappel, une faute grave est définie comme un comportement du salarié rendant impossible son maintien dans l’entreprise, même temporairement. Dans ce cas précis, la Cour a jugé que l’incident isolé ne rendait pas le maintien du salarié impossible. Ainsi, le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, mais ne pouvait pas être justifié par une faute grave.
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