Devenir société à mission
Le 22 mai 2019, l’article 176 de la loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) a introduit dans le droit français la qualité de société à mission. De quoi s’agit-il, et comment prétendre à ce statut ?
Qu’est-ce qu’une société à mission ?
Lors d’un sondage réalisé en septembre 2016 par l’IFOP (Institut français d’opinion publique), près de 51 % des Français estimaient qu’une entreprise se devait d’être d’utilité publique. Le résultat de cette enquête n’a fait que mettre en avant une problématique grandissante : celle de la raison d’être des structures entrepreneuriales, notamment face aux enjeux occidentaux contemporains.
La loi PACTE a alors souhaité permettre aux entreprises commerciales qui le désirent de prendre en compte ces nouveaux défis en créant le statut de société à mission. Cette nouvelle forme de labellisation fait suite au rapport « Entreprise et intérêt général » entrepris en 2018 par le gouvernement.
Une société à mission a la spécificité de ne pas s’inscrire uniquement dans un but lucratif. Dans une volonté de responsabilisation, elle intègre à l’ensemble de ses activités des objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux.
Le fonctionnement d’une société à mission
Le cadre juridique laisse une importante marge de manœuvre aux sociétés à mission pour définir précisément les objectifs qui leur sont propres. Pour autant, la qualité de société à mission n’a rien d’un simple concept marketing, puisqu’elle oblige à prendre des engagements axés sur la transformation et le progrès collectif. Ces derniers impliquent de déployer les moyens logistiques, financiers et humains nécessaires.
Par ailleurs, la société à mission bénéficie d’un principe de contrôle interne. Autrement dit, un comité de mission se charge de suivre et de vérifier la conformité de la gestion de l’entreprise par rapport à sa mission. Cet organe social émet alors un avis qui se doit d’être le plus objectif et le plus qualifié possible.
Selon le Code de commerce, ce comité de mission doit comporter au moins un salarié, à partir du moment où l’entreprise concernée emploie plus de 250 salariés. Il peut également intégrer des fournisseurs, des clients, ou encore des associations. Si l’entreprise a un effectif inférieur à 250 salariés, elle n’est pas obligée de constituer un comité de mission, mais doit désigner un référent de mission.
Les bonnes raisons de se constituer société à mission
Devenir société à mission offre différents avantages. Découvrons lesquels.
Tout d’abord, il est évidemment question d’embrasser des objectifs d’ordre moral, qui permettent de donner du sens aux actes, et de souder les équipes autour de valeurs communes. Au travers d’une collaboration avec un large panel d’acteurs se tissent de véritables relations à long terme. Il s’agit d’un intéressant moyen de créer un sentiment d’appartenance à un groupe, d’instaurer une confiance partagée entre les différents partenaires, et ainsi de bénéficier des atouts du collectif.
Cette démarche améliore également l’image de l’entreprise, ce qui peut impacter positivement sur sa stratégie économique. En effet, le concept de société à mission séduit chaque jour un peu plus la jeune génération à la recherche d’un modèle plus axé sur l’éthique. Ce label ne peut donc que renforcer la marque employeur. Il représente un réel attrait pour les salariés, les investisseurs et les consommateurs en quête d’une entreprise engagée.
Enfin, le statut de société à mission comporte des atouts juridiques. Par exemple, il donne droit à certains financements spécifiques. C’est aussi un moyen efficace de se prémunir contre les rachats hostiles, notamment en prônant l’argument d’une incompatibilité existentielle entre une offre publique et la raison d’être de la mission.
Comment devenir une société à mission ?
Les critères à respecter
Si vous aspirez à devenir une société à mission, il n’est pas nécessaire de modifier la forme juridique de votre entreprise. En effet, toute entreprise commerciale, quelle que soit sa forme juridique, est en droit de se constituer société à mission.
Il sera cependant indispensable d’instaurer plusieurs nouveaux éléments à votre statut. Le premier concerne la raison d’être de votre entreprise. Celle-ci doit être précisée au sens où l’entend l’article 1835 du Code civil : « les statuts doivent être établis par écrit. Ils déterminent, outre les apports de chaque associé, la forme, l’objet, l'appellation, le siège social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement. Les statuts peuvent préciser une raison d’être, constituée des principes dont la société se dote, et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». D’autre part, vous devrez notifier précisément vos objectifs sociaux et environnementaux, ainsi que les modalités de suivi mises en œuvre pour les atteindre.
La déclaration au Registre du commerce et des sociétés
Il est possible de devenir société à mission à tout moment. Lors de la création de votre entreprise comme après plusieurs années d’existence, il suffit de se déclarer comme société à mission auprès du tribunal de commerce.
La qualité de société à mission sera ensuite publiée au RCS (Registre du commerce et des sociétés) et mentionnée sur votre extrait K. Notez qu’elle apparaîtra également sur le SIRENE (Système national d’identification et de répertoire des entreprises et de leurs établissements) géré par l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques).
Quels sont les risques encourus en cas de non-respect des engagements ?
Une fois déclaré société à mission, vous ferez l’objet d’un contrôle obligatoire par un organisme tiers indépendant (OTI) accrédité. Celui-ci, désigné par le Comité d’accréditation (COFRAC), a pour rôle de vérifier la tenue de vos engagements. Pour cela, l’OTI est en droit d’accéder à tout document relatif à votre entreprise qu’il estime utile. Il peut également effectuer des vérifications sur les lieux.
Si, à l’issue du contrôle, l’OTI estime que vous n’avez pas atteint vos objectifs, il se doit de justifier sa décision. Vous risquez alors la mise en place d’une procédure de retrait concernant la qualité de société à mission par le ministère public ou toute autre personne intéressée. Cette procédure de retrait s’effectue auprès du président du tribunal de commerce et nécessite des modifications administratives.