Travail : l'insolence est-elle un motif de licenciement ?
Mal parler à son patron ou insister pour obtenir des congés, est-ce autorisé ? Risquez-vous des sanctions ou un licenciement si vous faites preuve d’insolence en entreprise ? Les dernières décisions rendues par la Cour de cassation éclaircissent le sujet.
Insolence et liberté d’expression : où sont les limites en entreprise ?
Que disent la loi et la jurisprudence en matière d’insolence ?
Plusieurs affaires portées devant la Cour de cassation ont jeté les fondations de la jurisprudence en matière d’insolence en entreprise.
En octobre 2023, une salariée a obtenu gain de cause après avoir été licenciée par son employeur pour avoir demandé à maintes reprises des congés non prévus dans l’accord d’entreprise. La Cour de cassation a jugé que le harcèlement de son supérieur n’était pas un motif valable pour rompre son contrat. L’insistance de la salariée a été considérée comme relevant de la liberté d’expression et le licenciement a été annulé.
Déjà, en janvier 2020, la Cour de cassation avait jugé que, même si elles étaient perçues comme désagréables, les remarques d’un salarié ne constituaient pas un motif de sanction. Un cadre commercial avait été licencié pour faute grave, c’est-à-dire immédiatement et sans recevoir d’indemnités, suite à des déclarations ressenties comme déplacées. Selon l’employeur, le mauvais caractère du salarié générait un climat conflictuel au sein de l’entreprise. La Cour de cassation a jugé que le salarié exerçait sa liberté d’expression et a cassé et annulé le licenciement pour faute grave. Il est toutefois à noter que la demande de dommages-intérêts du salarié a été déboutée et que son licenciement a été requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le Code du travail spécifie que le salarié peut exercer sa liberté d’expression au sein et à l’extérieur de l’entreprise et que les restrictions de cette liberté doivent être justifiées et proportionnées en fonction des tâches qu’il doit accomplir et de son but. De manière générale, les salariés peuvent s’exprimer à condition de ne pas avoir de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.
Liberté d’expression et licenciement : dans quelle mesure les salariés sont-ils protégés ?
Il faut tout d’abord définir ce que l’on entend par « insolence ». Il peut s’agir d’une situation où le salarié fait preuve d’insistance, par exemple pour demander des avantages personnels à son supérieur, pose des questions impertinentes ou fait usage d’un ton irrespectueux, inadéquat ou polémique envers sa hiérarchie.
La décision rendue le 11 octobre 2023 par la Cour de cassation détermine que ces types de comportements ne sont pas considérés comme des abus de la liberté d’expression. Même lorsque cette liberté de parole, qui est une liberté fondamentale, semble déplacée, elle ne peut pas donner lieu à une sanction ni à un licenciement. Par conséquent, s’il repose sur l’exercice de la liberté d’expression, le licenciement est considéré comme étant nul.
Attention toutefois, si le salarié prononce des propos diffamatoires ou injurieux, cela peut alors constituer un motif de licenciement puisqu’il s’agit d’un abus de la liberté d’expression. Dans ce cas, les sanctions peuvent varier de l’avertissement au licenciement pour faute grave selon :
- le contexte ;
- les personnes présentes lors des déclarations injurieuses ou si ces propos ont été énoncés sur les réseaux sociaux ;
- le niveau de responsabilité et d’ancienneté ;
- les sanctions disciplinaires éventuellement prises à l’encontre du salarié auparavant ;
- la tolérance de l’employeur et des collègues.
Comment différencier l’insolence de la violence verbale ?
Si l’insolence relève de la liberté d’expression, ce n’est pas le cas de la violence verbale.
D’un point de vue juridique, la violence verbale n’est pas condamnable, mais ses circonstances peuvent l’être, notamment en cas de harcèlement psychologique (article 1152-1 du Code du travail). Il s’agit de déterminer les intentions de l’agresseur et les effets sur la victime (chute de l’estime de soi, complexe d’infériorité, dépression, etc.).
Très souvent, le règlement intérieur des entreprises inclut une obligation de respecter ses collègues et de ne pas avoir de propos discriminatoires ou pouvant porter atteinte à la dignité des personnes.
La violence verbale, comme son nom le sous-entend, est considérée comme une agression et donc comme un abus de la liberté d’expression. Ce n’est plus seulement de l’insolence.
De par son obligation de protection des salariés, l’employeur doit prévenir ces agissements et, s’ils surviennent, doit déclencher une enquête interne. Le CSE et la médecine du travail peuvent être saisis. Si l’intention de nuire est établie, la sanction peut aller jusqu’au licenciement.
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